CTPS/RPG

Sous tutelle du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (France), le Comité technique permanent de la sélection (CTPS) est l’instance de consultation de l’ensemble des parties prenantes de la filière semences et plants (y compris d’arbres forestiers et fruitiers). Il est chargé de la gestion du catalogue officiel des espèces et variétés.
Le ministre de l’Agriculture nomme pour une durée de trois ans le président, le vice-président et le secrétaire du CTPS.

 

DISCOURS D’INTRODUCTION AU COLLOQUE
DE NANCY

– 8, 9 ET 10 NOVEMBRE 2019 –

A Nancy et Villiers-les-Nancy (Métropole du Grand Nancy et Université de Lorraine)
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Avec la large participation de Monsieur le directeur du jardin Botanique Jean-Marie Pelt, Monsieur Frédéric Pautz, que nous remercions vivement.
En présence de Monsieur le représentant du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Monsieur Laurent Jacquiau et de Madame l’ambassadrice de l’amitié des peuples au Kazakhstan, représentant Madame Gulnéra Stipaeva, directrice générale de l’institut de botanique et de Phyto introduction du Kazakhstan.

Chères toutes et tous, chers ami(e)s
Qui l’eût cru ? Nous y voilà ! Au pays d’Émile Gallé, ce si célèbre botaniste et verrier, amoureux de ses Vosges et de la nature, créateur de l’École de Nancy, auteur de la si jolie phrase : « Nos racines sont au fond des bois, parmi les mousses, autour des sources »
Trente ans déjà !

Comme on le notait au 25ème anniversaire du CCVS fêté à Segrez, célèbre arboretum d’Alphonse Lavallée, personne à l’époque ne pouvait se douter jusqu’où nous mènerait cette belle initiative du Conservatoire des Collections végétales Spécialisées (CCVS).
Nous attendions 50 participants, nous sommes 124, non 125. Vous êtes toutes et tous venus, souvent de très loin, de tous les coins de France, de Belgique, du Kazakhstan, de la Côte d’Ivoire… pour :
– partager ce moment d’amitié et de réflexion autour de notre passion commune : les plantes,
– mais aussi, au bout de trente ans, pour recueillir tous vos témoignages et tous les échanges lors des ateliers et les tables rondes.
Il était temps de faire un point d’étape, pour mieux connaître les richesses et les trésors que vous entretenez, au prix bien souvent de sacrifices que vous gardez pudiquement pour vous, et qui sont trop souvent ignorés de nos élus et de l’état.
Le temps est venu de mieux cerner les enjeux de demain, d’ajuster notre vision dans le cadre des grandes « turbules » mondiales :
– En résumé, bien cerner le sens de nos actions pour savoir dans quel sens aller dans les 30 années qui viennent.
– Contribuer au travail auprès du Comité Technique Permanent de la Sélection (CTPS) section Ressources Phyto génétiques (RPG), que nous menons depuis trois ans et dont le renouvellement nous a été demandé. Droits et devoirs de part et d’autre sont soulignés : il s’agit de protéger la biodiversité et de la pérenniser. Nos collections y participent grandement, pas de doute à ce sujet. En conséquence, il s’agit aussi de trouver des ressources financières pour nos collectionneurs et notre réseau. Tout tend à trouver des solutions ensemble : état, régions, mécènes, privés… La création d’une fondation est en cours avec l’aide du CTPS.

Rappelons-nous ! Le CCVS est né en 1989, de la rencontre entre des scientifiques et des amateurs passionnés et éclairés. Ils s’étaient donnés pour mission de rassembler toutes celles et ceux qui souhaitaient œuvrer contre la disparition de ces plantes qui sont autant de ressources pour l’homme et qui constituent la base de la biodiversité indispensable au bien-être sur Terre, au bien-être pour tous. Ces collections ex situ, labellisées par le CCVS au cours du temps, sont devenues autant de bastions pour porter secours à la préservation de cette biodiversité tant vantée et si peu assurée.

Les collectionneuses et les collectionneurs, aux aventures et aux expériences de vie aussi diversifiées que celles des plantes, ont constitué, au cours du temps, comme la plupart se définissent, « une jolie tribu de cinglés de la plante et de la botanique ». D’autres diront qu’ils ont attrapé « une grave maladie sans intention d’en guérir, celle de l’amour des plantes » et le 25ème anniversaire de l’épopée du CCVS soulignait « les 3 V de la Victoire : Vision, Valeur, Volonté ».

Hélas ces victoires sont à conquérir en permanence, car triste, très triste époque celle que nous traversons !

Dérèglement climatique, montée des océans, accroissement exponentiel des échanges internationaux, pratiques agricoles préjudiciables, sécurité alimentaire aléatoire, usages alimentaires bouleversés, lutte contre la pandémie internationale de l’obésité et du diabète, nouveaux enjeux de l’aménagement du territoire, démographie croissante, disparition des terres agricoles… Le défi à relever n’a peut-être jamais été aussi crucial à l’échelle planétaire et sur nos propres terroirs et territoires.
Le végétal est une ressource souvent très mal utilisée. Il nous faut réunir toutes les forces vives pour répondre à ces différentes préoccupations. Les collections de plantes labellisées par le CCVS, en amont de la filière horticole, ont un rôle important à jouer. À savoir, plus de 70 collectionneurs sont pépiniéristes et cotisent chez Val’hor (organisation interprofessionnelle qui rassemble les professionnels de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage).

Et comme l’indiquait le président du CTPS section RPG, Monsieur Fabrice Dreyfus : « Face aux changements brutaux comme le climat, le modèle économique, les changements sociétaux, les nouvelles attentes des consommateurs et même les graves problèmes phyto sanitaires, c’est dans les ressources phyto-génétiques des mêmes collections que l’on peut trouver les éléments de résilience et des réponses innovantes ».
Depuis 2016, nous déployons tous nos efforts pour faire reconnaître ce patrimoine végétal vivant constitué par les collections du CCVS au moins à l’instar du patrimoine bâti. Lors de la première journée des acteurs des ressources phyto-génétiques des espèces cultivées et apparentées sauvages dont nous faisons officiellement partie, nous avons été heureux de relever que ces ressources font partie du patrimoine de l’humanité, mais également du patrimoine commun de la nation française. Soyons fiers des collectionneurs et des collections.

On ne pouvait mieux le dire, et l’apport d’un nouveau regard du CCVS sur le potentiel de ces ressources phyto-génétiques, patrimoniales, sociétales… qui ne sont pas prises en compte par le marché actuel, est terriblement important.
Une double menace pèse sur les RPG (ressources phyto-génétiques). Je reprendrai à notre compte les propos échangés dans les différents groupes de travail du CTPS section RPG. La première menace actuelle porte sur une absence d’analyse, de conservation et de diffusion de ces ressources. La deuxième menace est plus environnementale qu’économique car les RPG se sont développées dans des lieux institutionnels ou industriels, dans des conditions sociales ou environnementales spécifiques qui parfois même n’existent plus… Il est bon, aussi, d’affirmer que les ressources phyto-génétiques ne sont pas que biologiques, elles doivent prendre en compte la conservation des processus sociaux, les savoir-faire… ce qui reste à faire largement à l’échelle mondiale et en France en particulier.

Face donc aux enjeux d’aujourd’hui, le CCVS se mobilise pour faire connaître les viviers génétiques, culturels et patrimoniaux des collections labellisées par le CCVS :
– à travers des exemples et des témoignages très diversifiés,
– à travers des informations plus techniques que vous trouverez dans les 2 ateliers
– à travers les échanges dans les 2 tables rondes

Votre regard nous intéresse tous. Ce colloque a bien pour objet de valoriser l’importance des collections ex situ et des collectionneurs au vu des enjeux actuels, de retrouver le souffle des grandes explorations botaniques passées, dont on mesure encore aujourd’hui les visées économiques, culturelles, politiques et scientifiques.

Au vu de l’importance de cette rencontre, nous enregistrons tous les propos afin qu’ils soient analyser par la suite.

Faisons pousser et entretenons nos arbres à palabres, inscrivons nos résolutions et nos rêves dans du bronze, affirmons ce que nous sommes en reprenant l’expression de certains : le CCVS, c’est quoi ? c’est en quelque sorte « une Concentration de Collectionneurs Vraiment Sérieux »;

« Il était une fois une formidable aventure ! celle du CCVS, qu’elle dure encore et encore ! ». C’est le souhait de tous. Et bon « placotage » comme diraient nos amis québécois.

En route vers de nouvelles aventures.

Françoise Lenoble-Prédine
Présidente
Fondatrice et responsable de la revue Hommes et Plantes

 

Et bien voilà, c’était à Nancy

À la conclusion de ce colloque, je vous l’affirme
Comme nous l’avions indiqué lors de l’ouverture de ces trois jours de partage, « Les collectionneuses et les collectionneurs, aux aventures et expériences de vie aussi diversifiées que celles des plantes, ont constitué, au cours du temps, comme la plupart se définissent, « une jolie tribu de cinglés de la plante et de la botanique ».

D’autres affirment qu’ils ont attrapé « une grave maladie sans intention d’en guérir, celle de l’amour des plantes »

Je suis bien d’accord avec vous, je fais mien ce constat, je persiste et je signe : « Nous sommes vraiment des cinglés de la plante et de la botanique » !!!!!!! Mais ça fait du bien.

Nous sommes venus et nous avons vu
Des passionnés avant tout,
Des méthodos, des rigoureux, des chercheurs aux remue méninges bien trempés, des jardiniers hors pair, des rats de bibliothèque, des linguistes… chacun avec ses portes d’entrée différentes d’approche pour le développement d’une collection… et dans des lieux qui vont du jardin de banlieue à des parcs et jardins les plus éblouissants.

Biodiversité des plantes, biodiversité des hommes

Nous avons tricoté des grandes écharpes de métissagesles Hommes et les Plantes ont tissé des liens indestructibles.

Confirmons
Faisons des collections labellisées du CCVS un trésor botanique incontournable reconnu comme patrimoine végétal national. Devenons incontournable !

Au fond qu’est ce que le CCVS : en reprenant l’expression de certains : le CCVS, c’est « une Concentration de Collectionneurs Vraiment Sérieux », un peu fou et cinglé d’accord, mais surtout très conscient qu’il est urgent d’agir.

Et bien !!! Dites donc, on va avoir du mal à se séparer.</st souffler.

Françoise Lenoble-Prédine

 

 

La reconnaissance officielle des gestionnaires de collections végétales progresse

Le colloque qui s’est tenu à Nancy en novembre 2019 a été l’occasion de tables rondes consacrées aux collections et aux collectionneurs. L’une d’elles a permis de préciser la façon dont s’effectue la reconnaissance officielle des gestionnaires et le versement en collection nationale, à quoi cela correspond-il au niveau des nouvelles réglementations, quels sont les différents critères demandés et les démarches à effectuer.

La conservation à long terme des ressources phytogénétiques est un enjeu européen, et à ce titre des financements sont prévus à travers des appels à candidature. Ces derniers sont alloués par le ministère chargé de l’agriculture pour aider les collections menacées ou contribuer à la mise en œuvre d’actions en lien avec la conservation des ressources phytogénétiques. Différents types d’actions sont envisagées comme une aide à la sauvegarde d’une collection menacée ou orpheline ; une aide à l’amélioration des conditions de conservation des collections ; le financement d’étude de caractérisation d’une collection (description, élimination des doublons…). En France, c’est le GEVES, — Groupe d’Etude et de contrôle des Variétés et des Semences —, un groupement d’intérêt public chargé de réaliser les études techniques officielles nécessaires à des missions réglementaires pour le secteur semences, plants et variétés, qui est chargé depuis 2016 de la coordination de la conservation à long terme des ressources phytogénétiques d’espèces cultivées et leurs apparentées sauvages. Lors du colloque, la coordinatrice nationale, Audrey Didier, est intervenue pour préciser les critères définis dans la réglementation : « un gestionnaire de collection doit savoir ce qui rentre et ce qui sort de sa collection : est-ce quelque chose que l’on a collecté dans la nature ? Est-ce qu’on avait le droit de la collecter ou pas ? Est-ce qu’on l’a reçue par l’intermédiaire d’un jardin botanique ? L’important c’est d’avoir l’information, selon une procédure déjà mise en place au moment où l’on fait la demande de reconnaissance. S’agit-il d’une variété protégée par COV? Est-ce qu’il y a un brevet associé, est-ce une variété libre de droits… toutes ces informations sont précieuses. Ensuite, un gestionnaire doit préciser les méthodes et les moyens nécessaires à la conservation de ses ressources phytogénétiques. Il doit aussi préciser ses critères de choix : qu’est-ce qu’il conserve et pourquoi. Il s’engage à tenir une base de données qui permet d’enregistrer les ressources phytogénétiques qu’il gère et d’identifier en particulier celles qui sont qualifiées de patrimoniales, c’est-à-dire faisant partie de notre richesse nationale. Un fichier Excel peut suffire, tout comme un cahier d’introduction ainsi que les différents courriers s’y afférant ». Pour les collectionneurs CCVS, tout ceci est du domaine du courant et ne présente pas de difficultés particulières.

 

 

Le CCVS est désormais reconnu comme réseau de gestionnaires de collections qui sont ou seront associées au fur et à mesure dans ce programme, après avis du ministère. Le dossier de reconnaissance des gestionnaires de collection a été élaboré par des membres du CTPS, qui est le Comité Technique Permanent de la Sélection, un comité consultatif auprès du ministre de l’Agriculture chargé de le conseiller en matière de politique publique pour le secteur semences, plants et variétés, dont fait partie à titre personnel Françoise Lenoble-Prédine depuis quatre ans. Sont concernés par ces dossiers aussi bien des producteurs, des associations, des conservatoires régionaux, des conservatoires botaniques… La constitution de ces dossiers requiert de nombreux échanges avec les déposants, notamment pour avoir des compléments d’informations, comme le souligne Audrey Didier : « le règlement technique explicite comment le dossier est analysé, quels sont les quelques éléments obligatoires à fournir et comment le suivi sera fait au cours du temps. Un guide du déposant précise certaines questions notamment par des boîtes à outils. Le gestionnaire de collection dépose son dossier au CCVS qui le transmet au secrétariat de la Section. On procède à une première analyse administrative du dossier avec potentiellement des demandes d’informations complémentaires. Puis le dossier est envoyé à un comité d’experts défini par la Section CTPS pour réaliser une analyse montrant les forces et les faiblesses de la collection, les opportunités qu’elle représente et les menaces éventuelles. Des recommandations sont présentées aux 42 membres de la Section CTPS, qui rend un avis au ministère chargé de l’Agriculture. Si l’avis est positif, une publication est faite au Journal officiel avec le nom du gestionnaire de collection et le genre associé. Une fois que le gestionnaire est reconnu officiellement, il profite d’un accompagnement renforcé dans le cadre de la démarche nationale, avec une aide possible dans la mise en œuvre des pistes d’amélioration et potentiellement aussi une mise en relation avec d’autres acteurs pour les doubles de sécurité notamment ».
L’idée maîtresse de cette reconnaissance officielle c’est vraiment d’identifier les ressources qui ont une importance patrimoniale, et au-delà internationale, et d’encourager la mise en relation des différents gestionnaires qui travaillent sur une même espèce ou font face aux mêmes problématiques. On le comprend facilement : toute collection n’a donc pas vocation à rentrer dans le cadre de la collection nationale. D’où l’importance aussi d’identifier les doublons de sécurité mais avec une vraie gestion de ceux-ci afin de maîtriser au mieux la conservation de ressources rares ou menacées. Audrey Didier insiste : « nous devons être attentif au message d’un gestionnaire de collection qui nous alerterait en disant : attention, je ne peux plus maintenir telle ressource. Il nous revient alors de trouver une solution, un repreneur, de ne pas laisser tomber une collection patrimoniale reconnue. On doit pouvoir faire travailler ensemble les collectionneurs pour harmoniser les critères communs aux ressources de la collection nationale, en s’appuyant sur des réseaux, dont le CCVS, déjà porteur de cette dynamique de rassemblement. Ces mises en relation sont aussi importantes sinon plus que les aides financières ».
Pour ces dernières, l’idée est d’avoir un fonds de dotation qui soit représentatif de la diversité des acteurs et qui permette de mieux communiquer et d’aller rechercher des fonds issus du mécénat pour pouvoir les mettre à disposition de la conservation des ressources phytogénétiques en France. Le CCVS fait partie de ce groupe de travail pour la constitution d’un fonds de dotation. L’intérêt général d’une collection doit être dégagé de tout objectif commercial direct, d’où l’importance de séparer ces activités quand on est pépiniériste-collectionneur. Le mécénat aurait pour vocation principale d’épauler des actions difficilement finançables autrement, comme des recherches ethnobotaniques sur les ressources maintenues in situ ou des collections.
Cela a bien été rappelé lors de ce colloque : le programme de reconnaissance des gestionnaires ne se substitue nullement à l’action du CCVS, il s’appuie sur lui et les compétences acquises en trente ans. L’idée n’est pas de centraliser et de gérer d’en haut. Le CCVS doit continuer son activité de mise en réseau, de valorisation du savoir-faire des uns et des autres, et d’émergence de la notion patrimoniale à spécificité française en lien avec le ministère de la Culture. Regrouper l’information permet aux collections et à leurs gestionnaires d’être mieux reconnus aux niveaux européen et international.
Comme cela a été mentionné plusieurs fois lors du colloque, la sauvegarde et la pérennité des savoir-faire compte souvent autant que les collections de plantes proprement dites. Voilà qui mérite de lancer un chantier sur cette thématique, notamment au sujet de la préservation des ressources documentaires. Le débat autour de la conservation des espèces botaniques face aux espèces cultivées a été passionnant et doit être poursuivi. Il y a un réel besoin de mise en valeur des collections, mais sans dupliquer l’action de terrain du CCVS. La visibilité des collections doit être impérativement renforcée. La formation des nouvelles générations de jardiniers au sens large est un grand défi à relever pour que le plus grand nombre de personnes adhère aux actions des collectionneurs. Pour cela, la mise en avant de l’aspect patrimoine national et international vivant de ces collections ne peut qu’être attractif pour les mécènes et au-delà pour tout le public de plus en plus sensibilisé à la sauvegarde de la biodiversité.